Analyse jurisprudences
Responsabilités civiles
CA dE POITIERS, 25 MAI 2021, N°19/02138
Madame A part en promenade avec le centre équestre E. La sortie s’effectue sans incident jusqu’au retour aux écuries. Alors qu’elle sortait au pas de la carrière à la suite d’un temps de galop en carrière, le cheval monté fait « une brusque embardée » et projette sa cavalière au sol. Transportée aux urgences, il est relevé un traumatisme de la hanche, une luxation du coccyx et une déformation de la fesse droite.
Déboutée de son action contre le centre équestre en première instance, la victime saisit la Cour d’appel considérant que l’établissement a failli à son obligation de sécurité.
La victime disposait de nombreuses attestations indiquant que « le cheval avait fait un écart lorsqu’il avait posé le pied sur un fil de clôture au sol, sous tension ». Elle soutenait en outre n’avoir commis aucune faute, l’accident s’étant produit en présence du moniteur qui avait autorisé le galop dans la carrière. De son côté, la compagnie d’assurance couvrant la responsabilité civile du club, contestait toute responsabilité, prétendant que le fil n’était pas électrifié, que le temps de galop n’avait pas été autorisé et qu’ainsi la victime était le seul artisan de son malheur.
La Cour rappelle le principe selon lequel tout centre équestre est tenu d’une obligation de sécurité et doit prendre toute disposition utile pour prévenir un accident. Elle analyse les attestations produites par les autres cavaliers ou spectateurs: le moniteur et la gérante étaient présents, le cheval s’est cabré en mettant le pied sur le fil, le moniteur a reproché à la gérante de ne pas avoir coupé l’électricité, le fil ne se voyant pas.
En appui de l’article 1147 ancien (1231-1 nouveau) du code civil, les magistrats réforment la décision de première instance et déclarent le C.E. seul responsable du sinistre, la matérialité des faits étant établie et l’accident s’étant « déroulé en présence d’au moins un responsable du centre dont la vigilance devait être accrue ».
Aucune cause extérieure n’étant de nature à exclure ou réduire son droit à indemnisation, madame A reçoit une provision de 15000 € à valoir sur l’ensemble de ses préjudices à évaluer après consolidation.
Cette décision est conforme à l’ensemble de la jurisprudence. L’espèce ici envisagée est originale tout comme l’accident consécutif à l’absence de fermeture sécurisée d’une porte donnant dans le vide et analyse concrètement l’obligation générale de sécurité qui pèse sur les centres équestres.
CA d’AGEN, 15 MARS 2021, n°19/00775
Lors d’une promenade équestre Mme B tombe lourdement et subit des contusions au rachis dorso-lombaire sans atteinte neurologique mais entrainant tout de même une ITT de 30 jours.
Elle assigne en première instance M.C gérant du club équestre et se voit déboutée au motif que le centre équestre n’avait pas organisé l’évènement. Mme B interjette appel.
Mme A compagne du gérant M. C et amie de la cavalière blessée déclare que cette balade avait été proposée amicalement en dehors de toute relation professionnelle. Les parties s’accordent sur un point : Madame B et son conjoint ont été accueillis pour les fêtes de fin d’année par Mme A et M.C gérant du club.
En l’espèce, la cour retient que la seule qualité de monitrice de Mme A ne permet pas de prouver le caractère professionnel de la promenade.
En outre, elle note que les témoignages des autres participants sont incohérents sur les circonstances de l’accident et qu’ainsi rien ne permet de déterminer le cadre dans lequel la promenade a eu lieu.
Enfin, la cour conclut sur l’éventuelle responsabilité du propriétaire de l’équidé ayant causé la chute, responsabilité plus confortable pour la victime qui n’a pas à démontrer la faute du propriétaire de l’animal. Au regarde des pièces produites, rien ne permettait d’établir que M.C avait conservé la garde de son cheval ou bien qu’il l’avait transférée à sa compagne laquelle n’a au surplus pas été appelée dans la cause…
Pour conclure : en la matière, la charge de la preuve appartient à la victime qui doit avant tout prouver la relation contractuelle l’unissant à l’organisateur de promenade.
Puis dans un second temps, démontrer le manquement à une obligation de moyen de sécurité qui se discute sur les éléments suivants : nombre de guides encadrant, diplômes de ces derniers, la qualité du matériel et des équipements fournis, les consignes de sécurité, la nature du parcours emprunté, la dangerosité du lieu de l’accident, enfin, le choix des chevaux.
CA de COLMAR, 11 juiN 2020, n°18/4221
Un cheval appartenant à l’association de protection Y donne un coup de sabot à Monsieur X qui l’avait pris en pension. Il s’agit là d’une situation très classique. Un animal est placé auprès d’une personne néophyte qui va recevoir l’animal, le choyer, le soigner et s’en servir selon les instructions de l’association et ce, généralement en vertu d’un contrat écrit.
Sérieusement blessé, Monsieur X assigne l’association et son assureur pour obtenir l’indemnisation qu’il pense légitime. L’assureur soutient que X a bénéficié du transfert de la garde en ayant l’animal chez lui ce qui lui interdit tout recours.
Le tribunal rejette cet argument et condamne l’association et son assureur à indemniser. Il retient que le cheval a été confié temporairement dans la mesure où l’association a conservé le pouvoir de décision concernant l’entretien et l’avenir du cheval.
L’assurance condamnée interjette appel. Elle prétend que les circonstances de l’accident ne sont pas très claires, que X se servait du cheval pour son agrément, de plus, que l’animal se trouvait à 50 km du siège de l’association et que Madame X envisageait de l’adopter.
La Cour ne suit pas ce raisonnement. Elle rappelle que le propriétaire est gardien et responsable du dommage causé par le cheval, sauf à lui, à démontrer qu’il a transféré à un tiers les attributs de la garde, c’est à dire « les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle » de cet animal.
En l’espèce, les magistrats retiennent que l’association est propriétaire du cheval hébergé par un tiers, peu importe la distance, que rien ne prouve que le cheval était utilisé par la famille X pour ses besoins personnels, partant que la victime n’en avait pas l’usage.
Aucun élément ne démontre que Monsieur X avait le pouvoir de prendre quelque décision que ce soit concernant le cheval qui était vraisemblablement chez les X parce que Madame était membre de l’association.
La Cour confirme donc la décision du tribunal, évalue les divers préjudices de la victime et condamne la compagnie à payer.
Cette décision, fondée en droit, emporte des conséquences qu’il convient de rappeler :
– De nombreuses associations de protection placent des chevaux sous contrat mais négligent de souscrire une assurance responsabilité civile englobant la présente étude. Elles n’ont d’ailleurs et en général aucun patrimoine à part la bonne volonté de leurs membres et risquent de se retrouver en fâcheuse position en cas de sinistre.
– Il convient donc, tant pour l’association que pour les hébergeurs de rappeler l’importance de cette assurance et d’envisager une clause spéciale dans le contrat de placement rappelant que l’association est couverte par une assurance et que l’hébergeur, en cas de sinistre, doit faire un rapport écrit dans les trois jours.
Cet arrêt concernant un cheval garde toute sa valeur pour l’ensemble des refuges animaliers recevant et plaçant chats, chiens et autres NAC…
CA de CAEN, 9 juillet 2020, n°18/05727
Les procédures pour troubles de voisinage ont connu leur heure de gloire avec les procès intentés à des cloches, canards, coqs ou crapauds, opposant gens des villes et gens de la campagne.
Dans l’espèce analysée, un propriétaire d’habitation assigne ses voisins pour troubles olfactifs lié à l’odeur du purin entrainant en outre la présence de mouches, mais encore, pour nuisance visuelle en raison du passage continu de chevaux et cavaliers proche de la partie arrière de son jardin.
Si le code nous enseigne que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage. il appartient aux juges de rechercher si les nuisances, même en l’absence de toute infraction aux règlements, n’excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.
En première instance, le demandeur est débouté de ses demandes et condamné au paiement de dommage et intérêts pour procédure abusive, il interjette appel devant la Cour.
Les magistrats de la cour constatent qu’il n’y a pas de poney club, lequel n’a pas vu voir le jour en raison de la multiplication des actions judiciaires et administratives conduites par l’appelant, que les constats relèvent la présence de ballots de paille sous bâche verte, que la réglementation départementale sanitaire est respectée s’agissant d’un élevage de type familial, enfin que même si d’aspect pavillonnaire, sont implantés non loin dans le quartier : un bâtiment d’engraissement de 50 taurillons, un élevage de bovins de 50 têtes, outre trois chevaux et poneys, des poules, canards, pigeons, lapins et furets.
Au vu de ces constatations, la cour rejette elle aussi la demande d’indemnisation pour troubles anormal de voisinage et condamne le demandeur à payer les frais d’avocat des voisins outre ceux de la procédure.
Les défendeurs disposaient de quatre chevaux et un poulain sur une propriétaire comptant trois boxes. Les défendeurs assommés par la multiplication des procédures judiciaires et administratives, harcelés et espionnés, subissant trois procès-verbaux d’huissier sur 18 mois finissent par vendre leur propriété et déménager avec leurs 4 enfants, l’épouse justifiant d’un état dépressif.
Enfin, la cour infirme le jugement en ce qu’il avait accordé au défendeur des dommages et intérêts pour procédure abusive jugeant que l’exercice des voies de droit ne peut dégénérer en abus, susceptible d’engager la responsabilité d’une partie à l’instance, que lorsqu’il présente un caractère dolosif ou malveillant.
CA de LYON, 9 juin 2020, N° 18/060070
Madame C se rend chez sa mère et son beau-père, Monsieur X. Ce denier lui propose de monter sur son cheval pour faire une photo.
Pour la mettre en selle, il lui donne « une impulsion trop importante » qui fait chuter la cavalière sur la tête de l’autre côté de l’animal. Gravement blessée, la victime assigne son beau-père et la compagnie d’assurance lesquels sont condamnés solidairement à indemniser la jeune victime.
Ils relèvent appel de cette décision soutenant notamment que, compte tenu de la taille du cheval il était normal que Monsieur X aide Madame C en lui donnant une impulsion supplémentaire. Le geste n’était donc pas fautif.
La Cour met à la charge de Monsieur Y une faute personnelle (article 1382 du code civil, devenu article 1240) alors que la cavalière n’avait pas commis de maladresse en n’écartant pas sa jambe droite pour monter sur le cheval.
En outre, les magistrats relèvent que la victime mesurait 1,65m, que l’animal était de grande taille et que la poussée trop forte sur le postérieur de la novice ne lui avait pas permis de s’agripper au pommeau de la selle.
Aucune faute n’est donc reprochée à la victime qui a été indemnisée de son entier préjudice. La Cour lui alloue 20.000 € de provision et désigne un médecin expert.
CA de Caen, 26 juin 2018, N° 16/01383
Monsieur B propriétaire de bovins a laissé l’une de ses vaches en divagation dans un champ ne lui appartenant pas. L’animal refusant de rembarquer avec les autres génisses, Monsieur B l’a laissée ainsi pendant plusieurs jours.
- D n’a jamais été informé de la présence de la vache sur sa propriété, c’est dans ce contexte, qu’il a mis en pâture ses juments gestantes et que celles-ci ont été retrouvées mortes.
Le tribunal a fait droit partiellement aux demandes de M. D, rejetant seulement la réparation demandée au titre du préjudice moral.
La cour réforme le jugement sur deux points. Elle condamne plus lourdement au titre de la réparation du dommage matériel et fait droit à la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
En effet, la cour retient classiquement que M. B est resté gardien de la génisse et ce, même si elle lui a échappé.
En outre, le lien de causalité entre la présence de la génisse dans le champ et la mort des juments est établi. D’une part, M. B confirme que la génisse avait un comportement agressif, si bien qu’il a pris la décision de l’abattre.
D’autre part, la cour expose que l’expert n’est pas utilement contredit lorsqu’il indique que les « lésions constatées ne permettent pas d’exclure que la mort des deux juments est liée aux blessures infligées par la génisse, les blessures ayant pu être causées par les cornes ou la tête. »
Enfin, s’agissant de l’indemnisation, il est retenu comme mode de calcul une méthode alternative et non la méthode de la valeur de remplacement.
CA de Douai, 28 juin 2018, N°17/04293
Alors qu’elle se trouvait au sein des écuries, la victime d’un coup de sabot reçu de la part d’un cheval du club assigne ce dernier sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Le tribunal condamne en première instance.
L’assureur des écuries interjette appel, contestant la nature délictuelle de l’action.
La cour rappelle que l’accident n’est pas survenu durant un cours, mais pendant une activité de soins donnés au cheval en dehors de tout enseignement ou pension de chevaux, de plus, qu’aucun transfert de garde ne peut être observé au profit la victime, laquelle a eu un rôle limité à l’entretien courant : nourriture, soin quotidien, promenade.
La faute de la victime est écartée au motif qu’elle avait reçu autorisation de s’occuper du cheval et qu’elle bénéficiait d’un accès aux installations même un jour férié.
CA de Chambéry, 13 sept. 2018, N°16/00583
Madame H propriétaire d’un cheval a demandé à deux jeunes filles, simples adhérentes, d’aller récupérer le cheval du temps qu’elle-même se changeait. Le cheval s’est échappé et a donné un coup de sabot à une tierce personne qui assistait au cours de sa fille.
Les deux jeunes filles ayant agi sur consigne du propriétaire et en sa présence, sont qualifiées de proposées occasionnelles et bénévoles de sorte qu’aucun transfert de garde ne s’est opéré à la charge de celles-ci. Le propriétaire étant présent dans la structure au moment des faits avait conservé l’autorité et le contrôle sur l’animal.
Enfin, la responsabilité civile du club n’est pas retenue en raison de la présence du propriétaire.
CA Toulouse, 13 août 2018, n°17/03223
La cour rappelle classiquement que le propriétaire du cheval qui a conservé l’usage, la direction, et le contrôle de l’animal est responsable au sens de l’article 1243 du code civil.
En l’espèce, Madame RZ ayant assuré la surveillance et ayant prodigué des conseils à la cavalière de sa jument est responsable des blessures causés par son animal.
La cour exclut le transfert de la garde au motif que la victime, cavalière occasionnelle, montait pour la 1ère fois cette jument mise à sa disposition pour un court moment.
En outre, la faute de la victime est écartée. Le fait qu’elle ait perdu l’équilibre, puis tiré sur une renne de manière inégale ne suffit pas à caractériser un comportement fautif.
CA d’Orléans, 8 oct 2018, N°17/00006
La juridiction est venue se prononcer sur l’action commune d’animaux ayant conduit au dommage de la victime.
Á jurisprudence constante et selon la théorie de l’équivalence des causes les propriétaires sont responsables sauf à démontrer que leur cheval n’a pas participé à la survenance du dommage ou évidemment, que la garde en avait été transférée.
En l’espèce, le propriétaire du premier cheval est responsable du sursaut de celui-ci causé par la chute d’un seau métallique utilisé comme mangeoire. Le propriétaire du second cheval étant absent au jour de l’accident avait transféré la garde au dépositaire et non à la victime laquelle effectuait seulement des tâches d’entretien courant.
Au surplus, la cour a retenu la responsabilité du club en sa qualité de propriétaire seau métallique dont la chute a entrainé l’enchaînement causal, le seau étant considéré comme élément utile à l’exploitation du centre.
Malgré l’implication à double titre du club dans la survenance du dommage, la cour condamne in solidum (soit à 50/50) le club et le propriétaire du premier cheval. Donc rejet de la théorie de la causalité adéquate.
CA de Reims, 13 nov 2018, N°17/03280
La cour rappelle que l’article 1243 du code civil instaure une présomption de responsabilité à l’égard du propriétaire de l’animal qui ne cède que si la faute de la victime est prouvée.
La propriétaire du cheval n’ayant pas mis en garde la victime de la potentielle dangerosité de son cheval a commis une faute d’imprudence. La faute ne saurait être reprochée à la victime, laquelle a été laissée seule en contact avec la jument.
CA de Nîmes, 29 nov 2018 N°17/03310
Le cheval de Mme L a été blessé à l’œil suite l’intrusion du cheval de M. M dans son enclos.
La cour confirme le jugement du tribunal et conclut au rejet des demandes de Mme L pour défaut de de lien de causalité.
Dans la mesure où l’accident est survenu alors que le cheval se trouvait au pré en contact avec plusieurs chevaux, qu’il n’y a pas de témoin de l’accident et que les circonstances exactes de ne sont pas connues, la demanderesse ne rapporte pas la preuve que le cheval de M. M est bien à l’origine du dommage.
CA de Grenoble, 26 juin 2018, N°13/04917
La victime qui assistait au cours de son enfant s’est adossée à une barrière laquelle a cédé sous son poids. La victime démontre que le défaut de fixation de la barrière est bien l’instrument de son dommage. Le bris de barrière entraîne la responsabilité de plein droit du club.
La victime n’a commis aucune faute en s’adossant à la barrière.
CA de Versailles, 20 sept. 2018, N°16/03619
L’usage de canons à corbeaux intempestif engage la responsabilité du propriétaire, lequel, pourtant avisé des effets nocifs des canons sur les juments gestantes a oublié ces derniers toute une nuit.
Le défendeur conteste le lien causal et soutient que l’avortement est fréquent chez les juments. De plus, il expose qu’une distance importante sépare les canons des juments.
Le haras conclut qu’aucune cause médicale et notamment infectieuse ne peut expliquer ces avortements survenu le jour même de l’utilisation intempestive des canons. Par ailleurs, il a été constaté par les gendarmes un état de stress chez les juments. Pour finir, il rappelle les précédents sinistres subis ayant ouvert droit à indemnisation.
La cour confirme le raisonnement du tribunal et retient la responsabilité pour faute de l’exploitant agricole voisin.