Qu’il est agréable de profiter des paysages pastoraux au rythme du pas de son cheval, bercé comme en mer par le clapotis des vagues. Ou encore, ivre de liberté, il est bon de profiter des espaces infinis pour trotter et galoper mêlant ainsi plaisir et entraînement de son équidé.
À chacun ses objectifs, à chacun ses envies, mais la prudence et la sécurité doivent demeurer les premières conseillères. En effet, les ballades équestres conduisent encore trop souvent à des accidents et ce, que les cavaliers soient totalement néophytes ou amateurs.
Lorsque la victime entend obtenir la réparation judiciaire de ses préjudices, il appartiendra finalement au juge de dire et juger s’il s’agit d’un accident, événement dû davantage à la fatalité qu’au fait de l’homme.
Mais pour éviter l’arbitraire, les juges procèdent selon une méthodologie bien établie, fondée sur l’appréciation d’un faisceau d’indices. Ainsi, le juge s’intéresse à des éléments concrets : le parcours choisi, le déroulé de la ballade, les diplômes et l’expérience de l’encadrant, le choix du ou des chevaux, l’adaptation au niveau des cavaliers, le nombre de chevaux, l’information sur les consignes de sécurité…
Ce faisceau d’indices sera nécessairement travaillé par la victime afin d’établir d’une part, le manquement du moniteur à l’obligation de prudence et de diligence et d’autre part, le lien direct entre la faute et le dommage.
En effet, la charge de la preuve incombe au demandeur à l’instance.
Mais bien évidemment, le défendeur se servira aussi de cette grille de lecture pour établir la preuve contraire et écarter sa responsabilité civile.
En ce sens, la décision de la CA de Versailles du 5 mars 2020, n°1807165, à l’occasion de laquelle, la juridiction a procédé selon cette méthodologie pour écarter la responsabilité de la monitrice.
Toujours en ce sens, la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans sa décision du 6 juin 2019, n°18/10561, a derechef écarté la responsabilité du moniteur. Elle retient que les circonstances précises de l’accident ne sont pas détaillées dans les attestations produites par la victime, en outre, que l’emballement du cheval camarguais à l’occasion d’une ballade ne peut suffire à établir le manquement à l’obligation de sécurité.
Par ailleurs, le moniteur concluant en défense rapportait la preuve que les douze cavaliers disposaient de chevaux calmes et adaptés, que la présence d’un second moniteur n’était point nécessaire, que les chevaux se sont arrêtés par sa seule intervention, mais aussi, qu’il était régulièrement diplômé.
Enfin, la cour adopte une motivation pour le mois inattendue sur le fait que certains cavaliers ne portaient pas de bombes. Elle retient que d’une part, le défaut de bombe n’induit pas qu’elles n’ont pas été mise à la disposition des cavaliers pour la ballade et que d’autre part, ce défaut de protection serait en lien causal avec la blessure des cervicales subie par la victime.
En sens contraire, mais suivant toujours la même méthodologie, la cour d’appel de Caen dans un arrêt du 14 mai 2019, affaire n°16/02675 a confirmé la condamnation du moniteur qui par défaut de prudence a manqué à son obligation de sécurité.
Il ressortait de l’enquête pénale que le jour de l’accident, le dirigeant d’un centre équestre encadrait douze cavaliers sur une randonnée équestre débutée le matin même.
Sur les éléments factuels, les déclarations des différents participants étaient unanimes sur les points suivants :
– le dirigeant a entamé un dernier galop sur le chemin du retour, d’abord à faible allure, puis, a rythme soutenu sur quelques mètres,
– le chemin choisi débouchait directement sur une route nationale avec impossibilité de changer de direction,
– certains chevaux ont été difficiles à maitriser tout au long de la journée et les cavaliers montraient des signes de fatigue,
– lors du dernier galop, le ralentissement des chevaux de tête mené par le moniteur est resté sans effet sur le groupe de quatre chevaux situé derrière,
– le chemin du retour aux écuries a excité et agité les chevaux, phénomène classiquement observé en extérieur,
– les cavaliers se sont conformés aux instructions du moniteur,
– l’un des cavaliers présent déclare : « On a pas l’habitude d’accélérer dans ce chemin parce qu’il y a la route au bout et le chemin est assez étroit »,
Il en résulte donc que le moniteur n’a pas tenu compte de ces facteurs de risques pourtant évidents, ces derniers étant la cause directe des blessures graves causées à la première victime et du décès de la seconde, toutes deux n’ayant pu arrêter leurs chevaux et ayant percuté un véhicule circulant sur la route nationale.