Analyse jurisprudences
contrat de pension
CA DE PARIS, 4 MAI 2021 – N°19/09249
Madame G est propriétaire d’une jument placée en pension auprès des écuries X. Monsieur Z la monte en extérieur et se trouve victime d’un accident avec un automobiliste. L’animal est euthanasié.
Peu satisfaite du déroulement des faits, madame G assigne les écuries X et Monsieur Z pour obtenir de légitimes dommages et intérêts pour préjudice moral et financier. Elle attrait subsidiairement Madame HB chargée du dressage de l’animal.
Madame G soutenait que les écuries, dépositaire salarié, avaient pour obligation de veiller à ce que le cheval ne sorte de son box qu’avec des personnes habilitées à le monter, c’est à dire sa propriétaire ou une personne agréée au préalable et jamais en extérieur compte tenu de son tempérament.
De leur côté, les écuries soutenaient que leur obligation de surveillance et leur responsabilité ne pouvaient plus être retenues dés lors que le cheval était sorti du box et monté. Elles précisaient en outre qu’elles ne pouvaient pas être responsables de la chute de Z, seul gardien de l’animal au moment du sinistre.
Or, le dépositaire (l’écurie) doit apporter, dans la garde de la chose confiée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. Il devait en l’espèce sa garantie puisqu’il ne pouvait apporter la preuve que Madame G avait bien donné son autorisation à Monsieur Z de monter la jument et de sortir des installations le jour de l’accident.
En réalité, Z avait essayé à plusieurs reprises l’animal en carrière et « avait voulu tenter l’expérience de la forêt ». Madame HB avait bien donné quelques leçons à Z en carrière mais ne l’avait nullement autorisé à sortir, justifiant par ailleurs avoir été absente le jour de l’accident. Elle est donc mise hors de cause.
La Cour retient la faute des écuries qui n’auraient pas dû donner à Z « impulsion et encouragements à effectuer une promenade à l’extérieur avec une jument dont elles savaient qu’il n’en était pas propriétaire ».
Les magistrats déclarent que si madame G avait l’intention de vendre sa jument, monsieur Z n’était pas autorisé à la monter seul, qui plus est en extérieur et en l’absence de HB.
En conséquence, la Cour juge les écuries et Z conjointement responsables du drame et alloue à la propriétaire 2 500 € pour la valeur vénale de l’animal et 4000 € pour le préjudice moral outre les frais de procédure.
Monsieur Z, blessé lors de cet accident, démontrait que les écuries avaient commis une faute d’imprudence en le laissant sortir tout en sachant que la propriétaire l’interdisait, voit ses différents préjudices indemnisés par l’assureur des écuries.
Cette décision démontre une nouvelle fois l’importance de rédiger des contrats de pension. Il convient toujours de préciser clairement dans la convention, les conditions d’utilisation du cheval et des installations.
JAF DE LILLE, 25 JUIN 2020 – N°19/005511
Dans le cadre d’une ordonnance de non conciliation, les époux s’opposent sur le paiement des frais de pensions… du poney de leur fille.
Le Juge rappelle qu’en application de l’article 220 du code civil, les dettes contractées pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants sont communes.
Au titre des mesures provisoires, l’épouse demandait la charge par moitié des frais afférents au poney qui a été acquis pour leur fille mineure alors que le père voulait que ces frais soient pris en charge par l’épouse. En l’espèce, les parties précisaient que l’animal avait été acquis pour leur fille et avec ses économies.
L’animal, acheté d’un commun accord, reste néanmoins un bien commun des adultes qui sont mariés sous le régime de la communauté. Les frais ( pension, assurance, vétérinaire, etc ) sont ainsi des charges communes qui doivent être assumées par les deux époux.
Le fait que la résidence de l’enfant soit fixée au domicile maternel est sans incidence sur la prise en charge de ces frais qui correspondent à des charges communes.
Le magistrat décide donc qu’il convient de prévoir la prise en charge par moitié par chacun des époux des frais afférents au poney, contre créance au moment de la liquidation du régime matrimonial puisqu’en application de l’article 214 du code civil, les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
CA DE TOULOUSE, 29 JUIN 2020 – N°19/00900
Monsieur Y, éleveur, vend une jument aux époux X qui la lui confient en pension…sans jamais payer les frais d’entretien et de gardiennage, de vétérinaire et de maréchal ferrant. L’éleveur sollicite donc : la résiliation du contrat de dépôt salarié, le paiement de 5000 € pour frais de pension à parfaire au jour du jugement, la reprise de la jument sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement et, à défaut, l’autorisation de procéder à la vente et d’en conserver le prix. On ne pouvait pas être plus complet ….
Malheureusement, Monsieur Y n’a pas proposé de contrat écrit et le tribunal va le débouter de sa demande pour frais de pension au motif qu’ « il ne fait pas la preuve par écrit de l’existence d’un contrat de dépôt, à fortiori salarié ». Toutefois, les juges de première instance condamne les époux à prendre possession de la jument dans le délai d’un mois avec astreinte et subsidiairement, si les débiteurs ne réagissent pas, autorise la mise en vente de la jument. La qualité de propriétaire de propriétaire des époux X n’a pas fait débat.
L’hébergeur relève appel sur le seul point du paiement des frais de pensions. Il expose que les parties avaient convenu d’une pension-pré à 100 € par mois outre les frais vétérinaire et de maréchalerie, que ses cinq courriers sont restés sans réponse et que les nouveaux propriétaires avaient reconnu devoir 4 000 euros au titre desdits frais.
La Cour rappelle classiquement que dans la mesure où la créance est supérieure à 1500 €, il appartient au demandeur de rapporter la preuve écrite du dépôt pour réclamer le remboursement.
Les feuilles de vaccinations, les factures de la clinique vétérinaire et le récapitulatif du maréchal démontrent bien que les époux X sont les propriétaires de l’animal et que la jument était chez Monsieur Y mais rien ne prouve qu’il s’agit d’un contrat de dépôt à titre onéreux. L’absence de réponse aux courriers ne constitue pas davantage une preuve.
La Cour confirme donc la décision de première instance.
Cette récente décision montre une nouvelle fois que trop de mises en pension se font sans contrat entraînant parfois les parties dans des conflits qui auraient pu si simplement être évités par un écrit sur papier libre, mail, ou éventuellement un texto validé.
Cette décision est assez spécifique dans la mesure où la mise en pension a suivi un contrat de vente, la jument n’ayant jamais quitté les écuries. A défaut de contrat de pension écrit et à défaut de précisions sur les modalités de livraison de la jument dans le contrat de vente, cette période de soins s’écoulant depuis la vente ne suivait aucun régime juridique. Il s’agit là d’une période pendant laquelle le vendeur a tenu à disposition de l’acquéreur l’animal… dans la longue attente de sa prise de possession.
L’issue demeure tout à fait différente lorsqu’il y a cessation de paiement des pensions puisque le cas échéant, les précédents paiements justifient de l’existence de la relation contractuelle.
CA D’AIX EN PROVENCE, 14 MAI 2020 – N°18/11765
Madame X signe une convention de mise en pension de son cheval pour un prix mensuel de 350€.
L’animal sera hébergé un mois et demi puis sa propriétaire adressera au ranch une lettre de résiliation faisant état d’un manque d’eau et de nourriture pour son cheval en plein été. La convention écrite prévoyait un préavis de 60 jours que madame X refuse de payer estimant que l’hébergeur a failli à ses obligations.
Débouté de ses demandes en paiement en première instance , le ranch relève appel .
La Cour évoque l’article 1219 du code civil qui prévoit qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation ( payer le préavis ) si l’autre n’exécute pas la sienne ( nourrir et abreuver en bon père de famille ).
Trouvant dans la procédure la preuve que le cheval « s’est trouvé amaigri et affamé », les juges énoncent que madame X n’avait pas à payer le préavis et lui accordent 500 € d’indemnité à raison de l’état de l’animal. Tous les frais de procédure sont mis à la charge du ranch.
Voilà bien une première. En d’autres temps les juges auraient rappelé l’intercition de se faire justice à soi-même…
CA DE Versailles, 21 juin 2018 – N°17/02303
Par contrat du 13 mai 2010, le cheval DENEB a été acheté par M. L. Une période de 15 jours d’essai était prévue. Près d’un mois plus tard, M. L s’est rétracté et a ramené le cheval au Haras.
La cour d’appel a jugé dans un premier arrêt du 8 avril 2013 que l’acquéreur du cheval s’est rétracté trop tard après la vente et qu’il était bel et bien devenu propriétaire à l’expiration de la période d’essai de quinze jours.
Le haras ayant depuis hébergé DENEB a saisi le tribunal pour paiement des pensions impayées. Le tribunal puis la cour l’ont débouté de ses demandes.
La cour retient que le contrat de dépôt même nécessaire suppose la volonté des parties. Or, la volonté de M. L était de restituer l’animal et non de le mettre en pension. Il n’y a donc pas de contrat de pension et pas davantage de droit de rétention.
De plus, la cour ajoute que les sommes sont dues par le fait du haras qui a fait obstacle à la restitution du cheval pendant 6 ans.
Enfin, la cour rappelle que M.L s’est présenté à plusieurs reprises au haras pour récupérer son cheval et ce, dès le mois de juillet 2010. Partant, elle condamne le haras au paiement de dommages et intérêts pour privation de jouissance.
CA de Douai, 5 juillet 2018 – N°17/03247
Le cheval Eclipse a été mis en pension au sein de l’écurie S. Alors qu’il se trouvait au pré avec la jument des dépositaires, Eclipse a reçu un coup de sabot. L’aggravation de la fracture a conduit à son euthanasie.
Les propriétaires d’Eclipse ont assigné le fils et le père exploitant les écuries. Les demandeurs ont été déboutés de leur demande en première instance et la cour a infirmé partiellement le jugement.
Elle a retenu que le fils n’était pas le cocontractant du contrat de dépôt mais simplement un interlocuteur au sein des écuries, de plus, qu’il n’avait ni le statut d’agriculteur, ni la qualité d’associé. Partant, elle a prononcé la mise hors de cause du fils.
S’agissant de la responsabilité contractuelle du père, la cour opère en deux temps.
En premier lieu, elle rappelle qu’à défaut de contrat écrit, la preuve de l’existence du contrat de pension se prouve par tout moyen. En l’espèce, la convention de prise en pension pré-rédigée par le dépositaire n’est pas opposable, toutefois, les chèques prouvent une rémunération mensuelle donc l’existence d’un contrat de dépôt salarié.
En second lieu, elle statut sur la faute du dépositaire résidant dans le défaut de gestion de la potentielle situation dangereuse. En effet, le dépositaire commet une faute en ne surveillant pas les deux chevaux mis ensemble en pâture pour la 1ère fois.
Par ailleurs, la cour a retenu la responsabilité délictuelle du dépositaire pour le préjudice subi par la fille des propriétaires, cavalière d’Eclipse.
Enfin, la juridiction de second degré ouvre droit à l’indemnisation mais seulement du préjudice prévisible. Aussi, elle exclut l’indemnisation des frais d’incinération résultant de la seule volonté des propriétaires et accorde en contrepartie, une somme équivalente au simple frais d’équarrissage.
CA DE Versailles, 20 sept 2018, N°17-/09295
Un premier contrat de dépôt salarié a été conclu entre M.F et les écuries en 2008, lequel comprenait en plus d’une clause exonératoire de responsabilité en cas accident sauf faute grave du dépositaire, une clause limitative de responsabilité.
Puis en 2012, trois contrats d’exploitation concernant trois juments ont été régularisés. Les trois juments ont présentés des signes de coliques pendant la période de mise en pension, colique dites de stase et c’est dans ce contexte que le propriétaire a assigné.
En 1ere instance, le tribunal a débouté le demandeur de toutes ces demandes, la cour confirme par une motivation un peu divergente.
Elle retient que d’une part, les épisodes de coliques touchant deux des juments sont survenus avant la signature du second contrat, ainsi, il convenait pour ces deux juments d’appliquer le contrat de 2008 et in fine, les clauses d’exclusion et limitation de garantie.
Même si le contrat de 2008 visait qu’un cheval nommé Quitus, la seule présence des juments dans les écuries avant 2012 a suffi à caractériser un contrat de dépôt salarié.
D’autre part, la cour précise que la colique de la troisième jument étant survenue après la signature du contrat de 2012, les règles du droit commun trouvent à s’appliquer.
Or, en l’absence de toute cause démontrée aux coliques récidivantes de la troisième jument, la cour estime que le dépositaire n’a commis aucune faute et conclut au rejet des demandes indemnitaires.
CA de Caen, 11 décembre 2018, N°16/02513
Le poulain de M. Le B est né au sein des écuries de M. F.
Á l’âge de 2 ans le poulain a été mis en pension dans une seconde écurie. Á son arrivée, il a été constaté que le poulain présentait une hanche coulée entraînant une boiterie sévère et ce, en raison d’une fracture non soignée survenue pendant la période du premier contrat de dépôt.
Même si l’origine de la fracture est inconnue, M. F n’a pas démontré avoir commis aucune faute dans la garde du poulain et notamment, qu’il est étranger à la fracture. La cour retient que la lésion est nécessairement survenue dans les premières écuries.
Enfin, concernant l’indemnisation, il est rappelé que ne peut être cumulée l’indemnité versée au titre de la perte de la valeur vénale du cheval et la perte de chance d’obtention de gains.
CA de Paris, 11 décembre 2018, N°16/02513
Le contrat de dépôt concernant la poulinière ne peut contraindre le dépositaire à accueillir le poulain.
En effet, du fait de l’hospitalisation de la poulinière, puis du poulain né prématurément, le contrat de dépôt concernant la jument a été suspendu. Au retour de celle-ci et de son poulain, le dépositaire a refusé d’accueillir le poulain en soin.
La cour juge qu’aucun contrat ne concernait le poulain.
Bien que le poulain soit décédé dans une autre écurie en raison d’une mauvaise application du protocole de soins, le premier dépositaire n’a commis aucune faute en refusant d’accueillir le poulain.